Mettre les écrans à plat

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Les écrans des smartphones captent plus de 60 % de notre temps de loisir. Et si nous profitions de la période des vacances pour apprendre à nous désintoxiquer de ce que le corps médical considère, aujourd’hui, comme une addiction, au même titre que l’alcool et le tabac!

La scène pourrait être comique si elle n’était pas le reflet banal d’un quotidien de plus en plus connecté. Un jeune couple se retrouve au restaurant et, aussitôt installés, ils cliquent sur un QR code afin de passer leur commande. Au lieu d’entamer une conversation badine, ils plongent tous deux sur leur téléphone portable, sans piper un mot, jusqu’au dessert. Le repas est avalé dans un silence religieux, leur regard captivé par l’écran lilliputien, sans la moindre attention pour le repas ou le partenaire. Une fois l’addition réglée, ils se lèvent. L’homme passe le bras à la taille de sa compagne et dit: « C’était hypersympa. Il faut que l’on revienne. » Et elle de rétorquer: «Ah oui, j’ai adoré! »

Autre lieu, autre scène. Dans une salle de conférences, une femme d’un certain âge assise au second rang, pianote discrètement sur son portable dissimulé dans les plis de son boubou. Elle regarde sur YouTube la série sénégalaise Maîtresse d’un homme marié. Ses yeux rivés sur l’écran et des écouteurs aux oreilles l’excluent du monde extérieur. Pendant cet intermède, des chercheurs débattent du leadership féminin et ponctuent leurs propos d’exemples passionnants. À la fin de leurs interventions, la modératrice demande au public son avis. Et voici notre youtubeuse addicte qui surgit de son univers et se lève en disant: « Je suis tout à fait d’accord avec vous »; et elle commence à broder sur la suprématie des femmes dans l’Égypte ancienne…

Commander un chawarma en ligne, payer une facture d’électricité avec son smartphone, lire les dernières vidéos sur WhatsApp… Voilà comment l’époque fait de nous des prisonniers serial addicts d’engins censés nous faciliter la vie alors qu’ils augmentent chaque jour davantage notre plongée dans une dépendance absolue. La crainte de passer à côté d’une information ou d’un message est tellement forte qu’elle nous conduit à vivre accrochés à ces bouts de verre de 6 x 10 cm. Cette addiction pourrait être cocasse et juste risible, mais au lieu de nous rapprocher du monde, elle nous sépare de nos proches.

À l’heure où les écrans captivent les plus jeunes par leur praticité, leur instantanéité et leur aspect ludique, de nombreuses études montrent que leur utilisation abusive peut interférer négativement dans le développement des enfants. Cette utilisation irraisonnée des smartphones déconcentre, provoque dans certains cas de la sécheresse oculaire car l’on cligne moins les yeux, favorise le repli sur soi et confine à la sédentarité. Sans oublier l’augmentation de l’obésité infantile, puisque les enfants sont facilement enclins à picorer et à faire moins de sport.

Ainsi, pour dresser un portrait de la consommation des écrans – qu’ils soient interactifs (smartphone, tablette, ordinateur, console de jeux) ou passifs (télévision) – l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa) a réalisé une enquête descriptive auprès de parents d’enfants suivis par quelque 144 pédiatres. Elle a révélé notamment que 44 % des parents prêtent leur téléphone portable à leur enfant de moins de 3 ans pour l’occuper, le consoler… Et elle a confirmé que les enfants deviennent adeptes des écrans de plus en plus tôt: près d’un enfant de moins de 3 ans sur deux (47 %) a utilisé un écran nomade la semaine précédant l’enquête et 35 % ont regardé un programme de télévision non adapté à leur âge, notamment le journal télévisé (61 % d’entre eux).

Des études montrent que l’utilisation abusive des écrans interfère négativement dans le développement des enfants.

Ne pas se faire piéger par des machines à sous

En 2014, un ancien employé de Google n’hésitait pas à comparer les smartphones à des machines à sous. Plus on goûte aux réseaux sociaux, aux informations qui arrivent instantanément, moins on a envie que ça s’arrête. Huit ans plus tard, un autre mal est venu se greffer sur l’existant: les notifications, ces fameuses bébêtes qui flashent sur l’écran en continu pour vous donner au choix les alertes sur tout et rien.

Alors, pour ne pas faire un burn out « smartphonique » à la prochaine rentrée, il est préférable de mettre à profit ces semaines de pause professionnelle et apprendre à se discipliner grâce à quelques gestes salvateurs.

– Aller dans la partie réglage du smartphone (valable sous iOS comme sous Android), pour supprimer les notifications et faire de même pour la partie réglage de WhatsApp, non pas pour supprimer l’application, mais pour éliminer les alertes. Si on n’y arrive pas, placer l’appareil en mode avion, un laps de temps, afin de ne plus être sollicité durant cette pause.

– Être dérangé(e) par son smartphone équivaut à une perte de temps considérable quand on le mesure à l’échelle d’une journée. Des chercheurs de Microsoft ont estimé à vingt-trois minutes le temps nécessaire pour se concentrer à nouveau sur la tâche que l’on effectuait avant d’avoir été perturbé(e) par une notification.

– Ne pas se servir de son smartphone comme une horloge ou un réveille-matin… En 2014, une étude de l’agence Tecmark, spécialiste du référencement sur le Net, estimait qu’on consultait en moyenne 221 fois par jour son smartphone. Et une part non négligeable de ces consultations consiste à regarder l’heure. En réhabilitant sa montre, on devrait pouvoir s’en sortir.

– S’entraîner à ne pas répondre au téléphone ou à le solliciter toutes les heures. Donc, mieux se fixer des moments sans portable et les respecter chaque jour.

– Ne rien faire est fort agréable quand on veut se reposer, ne pas utiliser son objet favori fait mieux fonctionner le cerveau. On a tous remarqué que pendant les vacances, quand on faisait d’une manière générale moins de choses que le reste de l’année, on était plus d’attaque et créatif(ve) le moment de reprise venu.

Mises bout à bout, ces résolutions pour décrocher des écrans doivent désormais s’intégrer complètement dans notre quotidien et dans celui de nos proches.

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