L’entrepreneuse franco sénégalaise vient de décrocher 5 millions d’euros à Paris pour accélérer la croissance de Waam, sa marque inclusive de produits de soins naturels. Riche la meuf ? Oui, de son sacré flair et de sa patience audacieuse.
Dieynaba Ndoye n’est pas une novice dans le monde de la beauté. Au siècle dernier, à l’aube de l’an 2000, la jeune Sénégalaise issue d’une école de commerce et ex-HEC, lance dans un Paris époustouflé, Colori, sa marque de cosmétiques pour les femmes afro descendantes. À l’époque, on ne parlait pas encore de diversité et les marques européennes consentaient à peine à jeter un regard bienveillant sur les consommatrices noires. Les seules offres beauté venaient, à grand-peine, des États-Unis, Fashion Fair, Naomi Sims, et Black Opal, pour ne pas les citer. Convaincue de l’appétence des Afro Antillaises pour les produits de beauté, elle passe du rêve à la réalité en développant cette gamme haut de gamme fabriquée en France. Si l’engouement et le succès d’estime ont été immédiats, le réflexe d’achat tarde à venir. Et la diffusion dans les lieux de vente dédiés s’est révélée problématique. En outre, l’emplacement côté où se situait la boutique Colori au Forum des Halles, dans le quartier du Châtelet, allait perdre de sa superbe lorsque le site fait l’objet d’une restructuration, passant du rang de temple de la consommation à celui de poumon vert du cœur de Paris qui en manque cruellement. Dans l’urgence, la cheffe d’entreprise s’associe à un partenaire français connu dans la coiffure mais la mayonnaise ne prend pas, les promesses n’étant pas tenues. Clap de fin, elle tourne la page et passe à autre chose.
Dans ses rêves les plus fous, Dieynaba Ndoye, aka Didi, imagine une marque globale qui s’adresse à tout le monde, sans distinction de couleur de peau ni de genre et songe à ce beurre de karité multi-usage qu’elle utilise depuis sa plus tendre enfance. Peau sèche ? Beurre de karité. Cheveux en pétard ? Beurre de karité. Petit bobo ? Beurre de karité. Pieds fendillés ? Encore beurre de karité ! Ce baume miracle naturel, surnommé or vert, est employé séculairement en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale. « J’avais envie de partager avec d’autres femmes ce plaisir d’utiliser le beurre de karité et d’en décupler les usages. Dans mon enfance, on le mélangeait parfois à du jus de citron pour en atténuer l’odeur ou lui apporter plus de souplesse. Le premier beurre de karité que j’ai développé était parfumé au yuzu, un agrume originaire du Japon. C’est ainsi que Waam a vu le jour. » Beau métissage en effet !
Waam signifie de We are all metis. All reste le mot le plus important dans ce nom, « car tout le monde est métis en quelque part, explique-t-elle. Nous sommes tous mélangés et avons souvent des cultures différentes. Waam est une invitation à partager nos passions, nos valeurs et nos différentes recettes autour des plantes et de la naturalité. »
Pour permettre à Waam de poursuivre son envolée, Dieynaba Ndoye s’est souvenue des leçons apprises en école de commerce et se plonge dans une levée de fonds comme une start-uppeuse aguerrie, même si elle conteste ce titre. Une première levée lui a permis de séduire des investisseurs qui ont mis un million d’euros sur la table et en 2022, rebelote, elle arrive à obtenir, cette fois, cinq millions d’euros. « Quand j’ai démarré, je suis restée trois ans toute seule dans l’entreprise. À un certain moment, j’ai fait appel à d’autres compétences pour disposer de plus de ressources et de m’entourer d’experts pour progresser. J’ai dû m’inscrire dans la logique de toute entreprise, ethnique ou pas, qui veut se développer. On sait que l’on a un marché, qu’il y a une place à prendre et que pour la prendre, il faut des moyens. »
Aurait-elle pu lever ces fonds à l’époque où elle se battait pour Colori ?
« L’erreur a été de ne pas l’avoir réalisé avec Colori car je n’avais pas l’information à l’époque. Notre communauté ne possède pas cette culture et nous n’avons pas accès à des mentors pour nous aider et nous montrer le chemin. À Colori, j’ai fonctionné sur fonds propres et cela a été assez compliqué à des moments d’envisager une croissance saine, rentable et une pérennité. »
Ne demandez à Dieynaba Ndoye si elle est l’Africaine la plus riche de France. « Non, rigole-t-elle. On lève des fonds pour se développer, pour financer les besoins de l’entreprise selon le plan présenté aux investisseurs. Il n’est pas question d’enrichir l’entrepreneur. Je suis même plus pauvre qu’à mes débuts. L’idée est de rester motivée car, on prend tous des risques pour atteindre un certain niveau de croissance. »
Parisienne pur jus et sénégalaise à 100 %, Djeynaba aime mettre en valeur des ingrédients en provenance d’Afrique et aime encore plus les matières premières issues des autres continents. L’Afrique demeure une des premières sources de la pharmacopée moderne. C’est important de partager les recettes et les astuces en les ramenant dans la norme actuelle avec ses règles drastiques et ses exigences. » Waam n’utilise que des produits et des d’extraits naturels, ce mantra fait partie de la charte de l’entreprise instaurée par la boss avec ses équipes. Pour le sourcing, la marque se fournit directement avec des coopératives au Sénégal, ou au Burkina Faso.
Le best-seller de Waam ? Certainement l’huile de ricin talonné par l’huile d’oignon ! En termes de marché, la France, avec une forte présence dans enseignes Monoprix et une distribution en pharmacie, se taille la part du lion suivie de la Belgique avec 120 points de vente. Waam est également au Cameroun, en Côte d’ivoire, au Gabon et au Sénégal. » Je préfère asseoir les marchés au fur et à mesure mais l’Afrique fait partie de nos priorités », avertit Dieynaba Ndoye.
Quant au dernier né de la société d’une trentaine de personnes flanquée en proche région parisienne, il va bien. Il s’agit d’un beurre de mangue qui fait des merveilles sur le corps, le visage et les cheveux. Waam, on en mangerait !