Luxe et culture hip-hop, un mariage d’amour ou de raison ?

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Les rappeurs et acteurs de la culture noire sont devenus des figures emblématiques du luxe, marquant ainsi un changement significatif dans les stratégies marketing des grandes maisons de luxe.

Par YABA ANDREWS

Il y a une poignée d’années, les Afro descendants, toutes nationalités confondues, étaient invisibles aux premiers rangs des défilés de mode des maisons prestigieuses. Hormis deux ou trois journalistes des mensuels noirs américains Essence et Ebony, des mannequins dont le nombre se comptait sur les doigts d’une seule main, peu de people et encore moins de VIP afro composaient cet aréopage éphémère. Depuis l’avènement des réseaux sociaux, la volonté de rajeunir leur image de marque, de toucher un public moins connoté ethniquement, les maisons de luxe ont unanimement pris un virage radicale. Pourquoi ? Réponse de Thomas Mondo, fondateur de Bel-Ami, société de communication, de conseil en stratégie et de création dans les domaines du luxe, de la beauté, du lifestyle et de la culture : « Le luxe est un secteur réservé à une élite mais qui actuellement est en quête de nouveaux consommateurs donc obligé d’ouvrir son spectre à d’autres populations. Pour survivre à données conjoncturelles avec une population européenne certes nantie mais vieillissante, il faut capter d’autres marchés, connaître leurs codes, leurs appétits et leurs habitudes pour les séduire davantage. » 

13 % DE LA POPULATION MONDIALE ÉCOUTE DU RAP ET DU HIP HOP

Les rappeurs et acteurs de la culture noire américaine essentiellement, sont donc devenus des figures emblématiques du luxe. Il faut dire que le rap et le hip hop, majoritairement représentés par des Afro américains, étaient en 2023, écoutés par près de 13 % de la population mondiale soit plus d’un milliard de fans. De potentielles machines à cash, d’autant que les rappeurs se sont mués en de redoutables hommes d’affaires connaissant la valeur de leur notoriété. Et au palmarès des figures les plus emblématiques du hip hop, Jay-Z, Kendrick Lamar et Nas. 

L’interaction entre les rappeurs et les leaders de luxe a été rendue visible à travers plusieurs collaborations marquantes. Par exemple, A$AP Rocky, auteur, compositeur, interprète et compagnon de Rihanna, a été choisi par Dior pour incarner ses campagnes mode homme en 2016 et 2017. Kanye West, avec sa marque de luxe Yeezy, et son ami, feu Virgil Abloh, directeur créatif de Louis Vuitton, ont été des exemples frappants de cette tendance où la musique et la mode s’entremêlent étroitement pour définir les nouvelles normes du luxe.

LE PHENOMENE PHARELL WILLIAMS

Pharrell Williams, né d’un mère philippine et d’un père béninois, apparait aujourd’hui comme la quintessence de ce phénomène. Dès 2006, il signe avec Louis Vuitton une collaboration de lunettes de soleil baptisées Billionnaire. Face au succès retentissant de ces solaires, en 2007, il récidive et un an plus tard, conçoit une collection de 26 bijoux intitulée Blason. A l’occasion, il imagine pour Chanel une short collection de hoodies et de peignoirs aux couleurs toniques, de lunettes, de bobs en éponge,de sacs banane puis de bijoux. Depuis l’auteur de Happy, tube planétaire, devenant un des collaborateurs préférés de la mode, est scruté par les plus grandes marques du monde. 

Dernière actualité mode du rappeur Kendrick Lamar, il a réalisé la bande-son du défilé Chanel Haute Couture Printemps-Été 2024. 

Le lien entre rap et luxe est également renforcé par les références fréquentes dans les chansons. Des marques comme Audemars Piguet, manufacture d’horlogerie de luxe suisse, ont vu leur popularité augmenter grâce aux mentions dans les paroles de chansons de rap. Jay-Z, par exemple, a contribué au succès de cette marque suisse en portant leurs modèles et en les mentionnant dans ses chansons. Le milliardaire et puissant businessman a, en outre, prêté son image et celle de sa femme Beyoncé à une campagne publicitaire de la marque de haute joaillerie Tiffany du groupe LVMH. 

Ce rapprochement entre le luxe et la culture hip-hop ne se limite pas à des partenariats commerciaux. Il représente aussi un mouvement plus profond vers l’inclusion et la diversité. Les enseignes prestigieuses ont réalisé l’importance d’être inclusives pour attirer une clientèle plus jeune et diversifiée. 

LES DRIVERS DE LA CROISSANCE DU LUXE MONDIAL

Cette inclusion est perçue comme essentielle pour maintenir la pertinence et l’attrait des marques dans un marché en constante évolution. Qui plus est, cette collaboration est bénéfique pour tout le monde. Les rappeurs gagnent en légitimité et en visibilité, tandis que les marques de luxe profitent de l’authenticité et de l’attrait culturel que ces artistes apportent. Ainsi, le rap et le luxe forment désormais un duo puissant- infernal-reflétant une nouvelle ère où la culture urbaine et le haut de gamme se rencontrent pour redéfinir les codes de la mode et du prestige. Et comme l’atteste Thomas Mondo : « aujourd’hui, les drivers de la croissance du luxe mondial sont la population chinoise et la population afro-américaine. »

Pharell Williams  icône du hip hop et du luxe. Dr 

Photo Credit: (NASA/Joel Kowsky)

La Samaritaine, temple du luxe de Paris. MJS

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