Paroles

300 ans et des poussières

Réalité affreusement palpable au quotidien, l’inégalité entre hommes et femmes a encore
de beaux jours devant elle. Et nous pouvons continuer à nous faire des cheveux blancs
et creuser nos rides du lion! En effet, une étude divulguée par l’agence ONU Femmes et le département des Affaires économiques et sociales des Nations unies estime que les choses ne s’amélioreront pas avant… 286 ans. Et pour être dans le vrai, il faudrait compter 300 ans et des poussières! Mais réjouissons-nous enfin, car les nombreux freins à une réelle égalité hommes-femmes comme l’accès à l’éducation et à la santé, les salaires et progression hiérarchique au travail, la protection juridique, le niveau de vie et la représentation dans les Parlements nationaux évolueront favorablement d’ici 2060. Brune trottinera alors allégrement vers ses 90 ans! Les responsables de ces obstructions à une évolution légitime de la société sont connus.

En cause:
la légendaire lenteur de certains gouvernements soutenus par les réticences de sociétés civiles constituées
en protectrices des us et coutumes patriarcales qui dénient aux femmes tout accès à un semblant d’équité. Et quand la pauvreté s’accroît, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à en souffrir.

Les Nations unies, là encore, ont ressorti leur calculette:
près de 400 millions de filles et de femmes vivront avec moins de 2 dollars par jour d’ici la fin de l’année. Cette comptabilité tragique obère les chances de changement profond, car nous serons également les premières victimes du réchauffement climatique.

La mobilisation ne doit donc pas attendre demain et c’est pour cette raison que si quelques combats semblent être l’apanage de féministes privilégiées, d’autres, à l’instar de #MeToo, revêtent une dimension internationale. Car les agressions sexuelles ne faiblissent pas, quel que soit le milieu social, l’ethnie ou le pays. Femmes servant encore d’armes de guerre en république démocratique du Congo, Ukrainiennes victimes de viols perpétrés par l’agresseur russe, droit de cuissage contre promotion professionnelle… La liste est longue des violences subies à cause du genre. Le sexe faible n’est pas une réalité, sauf dans l’esprit des agresseurs. Aussi la résilience dont fait preuve la majorité des victimes, au prix de
bien des souffrances, mérite que l’on mette genoux à terre. Baisser les bras? Non, certainement pas, mais apprendre aux jeunes générations, Z, Millennials, etc., que l’estime de soi a un prix incommensurable et que l’engagement contre les plaies de notre monde est un devoir de tous les instants. Que s’il n’y a pas d’égalité, il ne peut pas y avoir d’amour.

I aurait été plus sympa d’écrire sur les nouveaux looks qui nous feront plus belles que les sapins, les cadeaux de ouf qui nous chavireront de plaisir. Tellement plus appétissant de mettre les menus des fêtes en prime time dans nos vies. Certes, offrons nous tout cela, pour nous délester de tant de charges et d’anxiété et célébrons ces moments avec le maximum de joie et d’appétit. Mettons du rose dans la grisaille. Mais gardons un œil grand ouvert. Comme les Amazones du Dahomey qui, dans ce numéro de Brune, disposent d’une place de choix. Autre temps, autres mœurs, certes, mais leur courage, leur héroïsme doivent nous conduire à être leurs dignes héritières des temps modernes. À insuffler une sacrée envie d’en découdre avec les injustices, pour que dans 286 ans, les jeunes, filles et garçons, n’en soient plus au même constat que nous. Très belles fêtes de
fin d’année aux amazones de cœur ou de corps, à leurs affidés et admiratrices. Et opposantes!