Les convictions de Célestine Zanou

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Son sens de l’observation, ses analyses et sa pertinence ont fait d’elle une voix écoutée en Afrique de l’Ouest. Dans « Convictions », son dernier ouvrage, Célestine Zanou apporte sur éclairage vif sur quinze années de vie politique béninoise.

TOM MORTAGNE

Experte auprès d’organismes internationaux, géographe agroéconomiste, spécialiste des questions de politiques agricoles et de sécurité alimentaire, Célestine Zanou reste souvent consultée sur des problématiques de paix et de réconciliation nationale. La Béninoise, qui a été directrice de cabinet du président Mathieu Kérékou de 1997 à 2001, balaie, dans Convictions (Éditions SdD), des années de vie politique dans son pays qui, écrit-elle, « est une démocratie née dans la douleur, mais pratiquement en panne, puisque taillée sur mesures et livrée elle-même aux desiderata de quelques particuliers ».

Paru avant des échéances électorales majeures, où tout semble joué d’avance à cause de ce que les observateurs nationaux et internationaux nomment avec euphémisme une confiscation de la démocratie, l’opus arrive à point nommé. En 524 pages, l’auteure partage ses craintes, ses espoirs, mais, surtout, ses convictions. La démarche peut sembler ardue, car les problèmes de démocratie, de république et de nation, pour lesquels elle possède une réelle expertise, sont discourus par des sachants qui excluent souvent des débats la majorité des concernés.

Ce recueil des réflexions et des propositions se révèle passionnant, car, c’est tout un pan de l’histoire contemporaine du Bénin, surnommé, en son temps, le Quartier latin de l’Afrique, et du Continent par extension, qui y est déroulé durant ces quinze dernières années. « De la Démocratie à la Nation, mon chemin passe par la République ou l’État, parce que j’estime que c’est la Démocratie qui le mieux répond à l’appel du Peuple, mais que c’est la mission première de la République ou de construire le projet de la Nation ou de la mettre en péril. Ainsi, la Démocratie bien comprise me paraît aujourd’hui la seule manière pour nous d’exister en citoyens libres de ce pays, de concourir aux mêmes opportunités dans les mêmes conditions de succès, d’être égaux devant la loi, de choisir nous-mêmes nos dirigeants et les révoquer par les mêmes soins. Or, il n’y a pas grand monde, aujourd’hui, pour dire ce qu’est une démocratie en Afrique, y compris l’expérience béninoise. »

Le décor ainsi planté. L’auteure tout au long de ses écrits, denses et savants, va donner à la réflexion et à la critique leur finalité en étant aussi des forces de propositions. Dans le chapitre Femmes et pouvoir, où figure une interview accordée en 2014 à la journaliste Carole Da Silva, à la question « Si vous aviez un pouvoir magique, lequel serait-ce? », Célestine Zanou répond en ces termes : « Celui de changer le cœur des hommes et des femmes qui aspirent à diriger, car un homme et une femme d’État sont d’abord un homme et une femme de cœur. Un cœur assez simple, souple et doux pour que toutes les composantes de la nation y trouvent une place. »

Et lorsque Carole Da Silva lui demande : « à quel moment se dit-on qu’on est une femme de pouvoir ? », à cela, elle réplique : « Être femme de pouvoir, cela ne se décrète pas. Ce n’est pas une affaire d’officines politiques, c’est plutôt le couronnement d’un processus dynamique, la conjugaison de faits d’histoire et de transformations sociales qui peuvent, pour des raisons qui nous échappent souvent, imposer une femme sur l’échiquier politique. Cela veut dire que la femme elle-même a besoin de son ressort propre, qui se traduit par son passé, son expérience, ses qualités intrinsèques et son charisme. » Son portrait craché en quelque sorte.

« être une femme de pouvoir, cela ne se décrète pas. Ce n’est surtout pas une affaire d’officines politiques. »

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